Lilian Cambérabéro : « Il y a les moyens humains »

Publié le 25/02/2009

Les frères Cambérabéro, Lilian et Guy, Internationaux et figures de proue de La Voulte (Crédit Photo : Presse Sports)

Les cheveux sont blancs et le temps a certes fait son œuvre, mais ses profonds yeux bleus pétillent toujours lorsque l'on évoque l'année 1970 et que l'on fait référence au bouclier de Brennus. Cette année là, le club voultain s'extirpe difficilement des phases de poule pour jouer les phases finales… au bout du chemin, Toulouse et la finale du Championnat remportée 3-0 face à Montferrand, dans le sillon d'une charnière landaise, reine de l'Ardèche, composée par Lilian et Guy, « les Cambé Tyrossais » ou « les lutins de La Voulte ». Mais l'homme coupe net, ne voulant résumer l'histoire de la formation ardéchoise à cet unique fait d'arme : « Tout le monde parle du titre de 70, mais l'histoire remonte bien avant cela. Il faut souligner que nous jouons une demi-finale en 59, puis en 65 et donc en 70. Et hormis 61 où nous n'atteignions pas les phases finales, nous avons toujours joué au moins les 16ème… »

Un véritable exploit pour une formation qui évoluait 15 ans plus tôt à l'échelon inférieur, et qui, avec l'arrivée des frères Cambérabéro, va connaître une année charnière en 1955. « Lorsque nous sommes arrivés, La Voulte jouait en Deuxième division, mais c'était déjà une belle formation. Guy était International C en arrivant et a donc débuté directement en Equipe 1, moi j'ai gagné ma place au fur et à mesure. Et dès notre première saison, nous montons ». Petit à petit l'équipe s'impose sur le devant de la scène, devenant le porte drapeau d'une région amoureuse du ballon ovale qui vient au stade en masse… 11.000 personne se pressant dans les travées pour voir jouer La Voulte, alors que la ville compte à peine 5.000 habitants ! Mais dans les années 50 et 60, les joueurs ne signaient pas dans une équipe pour la gloire ovalique, mais pour vivre. « Nous venions dans un club pour le travail avant tout. Et à La Voulte tous les rugbymen, et tous les sportifs en général travaillaient dans l'usine Rhône-Poulenc » se souvient l'homme.

« Personne ne nous y voyait… et nous gagnons le championnat »

Et les travailleurs venus à La Voulte pour trouver un gagne pain firent, en 1970, monter la mayonnaise préparée par l'entraîneur Jean Liénard pour un véritable festin : « cela a été une saison magnifique mais le véritable exploit a eu lieu en demi face à Agen, grandissime favori de l'épreuve. Nous avions d'ailleurs perdu contre eux en demie en 65, et celle de 70 a été particulière. A notre arrivée à la gare d'Agen avant le match, des banderoles nous accueillaient en nous signifiant que nous allions prendre 30 points… Ca a commencé à bien motiver l'équipe. Et cela à continué avec le début du match, quand les agenais avec un comportement peu en phase avec l'esprit du jeu nous bousculaient, jusqu'à blesser notre joueur le plus costaud… à cette époque, il n'y avait pas de remplacements, et nous avons donc joué à 14 pendant au moins 1h15. Personne ne nous y voyait, car il faut préciser que nous nous qualifions pour les phases finales lors du dernier match de poule… et au final, nous gagnons le championnat ».

Vainqueurs de Montferrand en finale (3-0), les frères Cambérabéro et l'entraîneur Jean Liénard reviennent à La Voulte triomphants (Crédit Photo : Presse Sports)

Le retour en Ardèche est phénoménal, même si les joueurs le retardent, fêtant la victoire à Toulouse. De retour à La Voulte le lundi de pentecôte, la foule attend ses héros : « Les décapotables étaient là pour nous faire traverser la ville bondée qui nous acclamait. Après cela a été très dur pour mon frère et moi car nous étions invités partout pour fêter ce titre… je crois que j'ai du dormir 4H en huit jours… mais ce sont des souvenirs fantastiques ». Et en bon demi de mêlée malin, Lilian met un terme à sa carrière juste après ce titre, comme il avait prit congé du XV de France, deux ans plus tôt au terme du Grand Chelem tricolore de l'histoire en 68 : « Je ne pouvais pas mieux terminer. »

Mieux en tout cas que le club ! Car si La Voulte a connu son âge d'or à cette époque, nourrie par une excellente ambiance et un terreau plus que fertile, car profitant d'équipes de jeunes performantes et glanant des titres nationaux en cadet et en Junior, le club voultain dépendait surtout de la bienveillance de l'usine chimique et pharmaceutique : « même s'il y avait de nombreux joueurs de la région, cela attirait du monde pour travailler, et donc pour garnir les rangs du club » explique Lilian Cambérabéro. Mais dans une région ou le tissu économique n'était pas le plus vivace, ce que la prestigieuse entreprise avait apporté au club, elle le reprit en s'éclipsant, annonçant un déclin progressif d'un Champion de France.

La Voulte s'est toujours appuyée sur des catégories jeunes de qualité. Lilian Cambérabéro garde espoir au milieu des jeunes pousses du club. (Crédit Photo : lnr.fr)

« Le club a réussit à se qualifier constamment jusqu'en 74, mais les problèmes du club ont été précédés par ceux de l'usine. Elle est passée de 2.500 employés en 1964-1965 à 35 dans les années 80, et comme elle ne fournissait plus de travail, le club n'attirait plus de joueurs… il y avait bien sur moyen de caser un ou deux joueurs dans les petites entreprises de la région, mais plus comme pouvait le faire la grande entreprise, et petit à petit, La Voulte a décliné » concède l'ancien demi de mêlée international, l'air triste.

« La Voulte reste fédérateur »

Aujourd'hui en Fédérale 2, La Voulte tente de survivre, et vise une montée qui ne lui est pas impossible au regard de l'effectif et de la motivation des décideurs comme l'apprécie beaucoup Lilian Cambérabéro : « l'équipe dirigeante, menée par Jean-Louis Reyes fait du très bon travail, mettant l'état d'esprit en avant, restant ainsi dans la ligne directrice qui a toujours été celle du club… et je crois qu'ils ne sont pas loin de monter ». La Fédérale 1 est une chose, mais retrouver son lustre d'antan parait peu probable, en tout cas pas dans le fonctionnement actuel selon l'ancien neuf tricolore : « il y a les moyens humains dans le comité Drôme-Ardèche, mais je ne pense pas qu'un club seul puisse y parvenir… A mon sens il faudrait créer une nouvelle équipe, avec des structures nouvelles, de nouvelles couleurs, bâtir un stade pour l'accueillir… en tout cas, ne pas repartir d'un club existant mais lancer un nouveau projet ».

Lilian Cambérabéro n'a rien perdu de sa joie naturelle et de sa gouaille, même si son regard se perd dans le vague en passant au passé : « Il est difficile de voire le club descendre et descendre encore… Mais ce qui me rassure et maintien l'espoir, est que La Voulte reste fédérateur, que ce soit pour les joueurs ou pour les supporters ». Si les valeurs de son club de cœur restent immuables, l'espoir perdure… les bonnes âmes et les bonnes volontés sont légions dans la région, et le passage des Journées des Ambassadeurs dans le Comité Drôme Ardèche pourrait permettre de montrer que le passé n'est pas une page qui se tourne et s'oublie, mais bien un opus qui se relit, ou même se réécrit…

Au contact du cuir ovale, c'est un immense sourire qui rayonne sur le visage de Lilian Cambérabéro. (Crédit Photo : lnr.fr)

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